Christophe Colomb
en films
Le 12 octobre 1492, Christophe Colomb pose le pied sur une île des Caraïbes à l’issue d’une expédition maritime de plus de 36 jours. Pensant avoir découvert la route menant aux Indes, il venait d’ouvrir la voie d’un “nouveau monde” à un Occident sortant à peine de l’âge féodal. Cette épopée historique avait tous les ingrédients pour intéresser le 7ème Art et, dès les premières années du Cinématographe, les réalisateurs et leurs scénaristes n’ont pas hésité à s’emparer du sujet. Depuis 1904, le découvreur des Amériques est ainsi apparu dans une quinzaine de films à la notoriété parfois inégale.
Il apparaît pour la première fois en 1904 sous l’objectif du Français Vincent Lorant-Hellbronn qui ne lui consacre pas moins de 7 tableaux. Le Cinéma muet en quête de figures historiques connues du grand public l’immortalise ensuite à de nombreuses reprises et l’épopée du navigateur fait même l’objet d’un “Film d’Art” signé Gérard Bourgeois en 1916.
En 1943, alors que l’Europe est ravagée par la guerre et que les États-Unis sont empêtrés dans le conflit mondial, c’est au tour des mexicains de présenter leur vision du découvreur des Amériques avec Cristobal Colon o la grandeza de América de José Diaz Morales. Julio Villareal y incarne un Christophe Colomb dans ce qui constitue une tentative de la part du gouvernement du général Manuel Ávila Camacho de se réapproprier cinematographiquement un Passé post-colonial en légitimant son pouvoir par une filiation historique avec la noblesse espagnole.
La caravelle Santa Maria dans "CHRISTOPHE COLOMB" de David MacDonald (1949)
Il faut attendre 1949 pour qu’un nouveau biopic artistiquement digne d’intérêt sur le navigateur génois voit le jour. Tourné dans le somptueux Technicolor qui caractérise l’âge d’or de Hollywood, Christophe Colomb (Christopher Colombus) de David MacDonald propose une vision britannique mais très américanisante de la saga de l’explorateur. Le personnage, magnifiquement incarné par Frederic March, retrouve le souffle de l’aventure qui manquait cruellement aux évocations précédentes. Décors superbes, distribution impeccable et reconstitution historique soignée, le film contient tous les ingrédients des grandes épopées cinématographiques. Dans la tradition du self-made man, le film célèbre le génie et le combat d’un homme seul qui, contre vents et marées (c’est le cas de le dire), su faire entendre ses idées et révolutionna le cours de l’Histoire du monde.
Antonio Vilar dans "L'AUBE DE L'AMERIQUE" de Juan de Orduna (1951)
Mais l’engouement pour cet épisode charnière de l’Histoire finit par se tarir. Pour le Cinéma des Trente Glorieuses, celui des grand studios jusqu’à l’apparition du Nouvel Hollywood, le thème de la découverte du Nouveau monde ne semble pas avoir suscité un grand intérêt. Les luttes politiques des Amérindiens pour leurs droits et la reconnaissance du génocide subi n’arrangea d’ailleurs pas cette tendance.
L’année 1992 va marquer le retour en force de Christophe Colomb sur les écrans à l’occasion de l’anniversaire des 500 ans de la découverte de l’Amérique. Pas moins de deux films lui rendent hommage.
Bien qu’étant un film de commande, 1492 – Christophe Colomb est traversé par un souffle épique renforcé par une magnifique bande originale signée Vangelis. On se souviendra en particulier des premiers pas, filmés au ralenti, du génois foulant les plages de République Dominicaine avant de s’effondrer à genoux pour prier. Et pourtant, lors de sa sortie en salles, le film fut sévèrement attaqué par la critique qui y vit un étendard propagandiste et sans âme de la puissance des États-Unis.
Gérard Depardieu dans "1492 - CHRISTOPHE COLOMB" de Ridley Scott (1992)
Parallèlement à l’écho médiatique que fut la sortie dans les salles de 1492, un projet concurrent tentait de se faire sa place dans la profusion d’évènements culturels consacrés à Colomb. Mis en scène par John Glen, réalisateur britannique connu pour son travail efficace sur la saga James Bond, Christophe Colomb : la découverte s’attelait, à son tour mais de manière plus classique, à mettre en scène les grands moments de la vie de Colomb. Si Glen y mit du cœur et appliqua un savoir-faire évident en matière de réalisation de scènes d’action, un budget moindre que celui de Scott et un casting moins inspiré relégua le film à une succession d’images d’Epinal et… à une exploitation vidéo, le faisant immédiatement sombrer dans l’oubli.
Avec les années 2000 et la grande remise en cause des traditions historiographiques occidentales, la découverte de l’Amérique par Christophe Colomb n’échappe pas à une réévaluation et plusieurs auteurs se font ainsi un devoir de questionner l’héritage de Colomb. En 2007, dans Christophe Colomb, l’énigme (Cristovao Colombo – O Enigma), le grand maître du Cinéma portugais Manoël De Oliveira se demande si, derrière la propagande espagnole, le génois ne serait finalement pas d’origine portugaise. Au cours d’un périple oscillant entre enquête et poésie, le réalisateur interroge la mythologie “colombienne” à la racine et bouscule les idées reçues sur l’explorateur. En 2010, c’est la réalisatrice espagnole Iciar Bollain qui souligne la face sombre et souvent occultée de la découverte du Nouveau monde, à savoir la destruction de tout un peuple et de sa culture, dans Même la pluie (Tambien la lluvia). En mettant en scène un réalisateur de films venu en Bolivie tourner un biopic sur Colomb, elle utilise une habile et passionnante mise en abîme pour nuancer l’image héroïque et aventurière de celui qui fut également un redoutable politicien et homme d’affaire.