In memoriam
Claudia CARDINALE
(1938-2025)
FILMOGRAPHIE “HISTORIQUE” :
1958 : Les Anneaux d’or (court métrage) de René Vautier
1958 : Goha de Jacques Baratier
1960 : Austerlitz d’Abel Gance
1962 : Cartouche de Philippe de Broca
1963 : Le Guépard de Luchino Visconti
1964 : Les Deux Rivales de Francesco Maselli
1964 : La ragazza de Luigi Comencini
1966 : Les Centurions de Mark Robson
1966 : Les Professionnels de Richard Brooks
1968 : La Mafia fait la loi de Damiano Damiani
1968 : Tous les héros sont morts de Joseph Sargent
1968 : Il était une fois dans l’Ouest de Sergio Leone
1969 : Les Conspirateurs de Luigi Magni
1969 : La Tente rouge de Mikhaïl Kalatozov
1970 : Les Aventures du brigadier Gérard de Jerzy Skolimowski
1971 : Les Pétroleuses de Christian-Jaque
1973 : Liberté, mon amour ! de Mauro Bolognini
1973 : Lucia et les Gouapes de Pasquale Squitieri
1973 : Avril rouge d’Antonio Calenda
1977 : L’Affaire Mori de Pasquale Squitieri
1977 : Jésus de Nazareth de Franco Zeffirelli
1978 : Corleone de Pasquale Squitieri
1978 : Bons Baisers d’Athènes de George Cosmatos
1979 : La Petite Fille en velours bleu d’Alan Bridges
1981 : La Peau de Liliana Cavani
1982 : Fitzcarraldo de Werner Herzog
1986 : La storia de Luigi Comencini
1989 : La Révolution française de Robert Enrico et Richard T. Heffron
1989 : Hiver 54, l’abbé Pierre de Denis Amar
1990 : Les Cavaliers de la gloire de Souheil Ben Barka et Outchkoune Nazarov
1991 : Mayrig d’Henri Verneuil
1991 : 588, rue Paradis d’Henri Verneuil
1996 : Un été à La Goulette de Férid Boughedir
2010 : Un balcon sur la mer de Nicole Garcia
2012 : L’Artiste et son modèle de Fernando Trueba
2014 : Dolomites 1915 d’Ernst Gossner
2017 : Nobili bugie d’Antonio Pisu
2018 : Rudy Valentino : Divo dei divi de Nico Cirasola

Incroyable destin que celui de cette petite fille sicilienne d’origine née dans la Tunisie coloniale française et devenue l’une des plus grandes actrices du Cinéma italien ! De La fille à la valise de Valerio Zurlini en 1961 à L’animal de Claude Zidi en passant par des films cultes comme Rocco et ses frères de Luchino Visconti (1960) ou La Panthère rose de Blake Edwards (1963), Claudia Cardinale a contribué à façonner l’image de la Femme italienne moderne, séduisante mais émancipée, fragile mais se dressant toujours pour le respect de ses droits. À l’instar de Sophia Loren et de Gina Lollobrigida, Claudia Cardinale a su incarner l’élégance autant que l’indépendance. A cela prêt que son histoire, la beauté de sa plastique et ses choix artisitiques l’ont amené vers des rôles souvent plus « exotiques » que ses consoeurs du grand écran.
Les cinéastes du monde entier ne s’y sont d’ailleurs pas trompés, lui offrant une place de premier choix dans de nombreux films s’ancrant dans un Passé proche ou lointain. Après des débuts placés sous le signe de l’orientalisme avec des rôles de « jolies Arabes » dans des films comme Les anneaux d’or de René Vautier (court-métrage sur fond de décolonisation au Maghreb et lauréat de l’Ours d’argent à la Berlinale en 1958) ou Goha de Jacques Baratier (fantaisie médiévale égyptienne tournée en 1958), Claudia Cardinale devient vite une habituée des plateaux de tournage des « films de qualité française » souvent patrimoniaux. On la découvre ainsi en Pauline Bonaparte dans l’Austerlitz d’Abel Gance (1960) ou en séduisante compère des bandits de grands chemins dans Cartouche de Philippe de Broca (1962) aux côtés de Jean-Paul Belmondo. Mais c’est à Luchino Visconti qu’elle doit le rôle qui va lui conférer une reconnaissance internationale en 1963 : celui d’Angelica Sedara, fille de la petite bourgeoisie sicilienne de laquelle tombe amoureux Alain Delon, aristocrate déclinant dans Le Guépard, cette grande fresque aux relents garibaldiens inspirée de l’un des classiques de la Littérature italienne.
Les plus grands réalisateurs la convoquent pour des voyages temporels aussi divers qu’originaux. Elle est une femme adultère dans le Jésus de Nazareth de Franco Zeffirelli (1976), la duchesse de Polignac, favorite de la reine Marie-Antoinette, dans La Révolution française de Richard T. Heffron (1989), une infirmière italienne sur la banquise dans La tente rouge de Mikhaïl Kalatozov (1969), une tenancière de maison close amazonienne dans Fitzcarraldo de Werner Herzog (1982) et même une bienfaitrice de la communauté d’Emmaüs dans Hiver 54, l’Abbé Pierre de Denis Amar (1989). On la retrouve également fréquemment dans l’Ouest sauvage dans des films comme Les professionnels de Richard Brooks (1966), le parodique Les pétroleuses de Christian-Jaque (1971) dans lequel elle donne la réplique à Brigitte Bardot et surtout ce monument du Western qu’est Il était une fois dans l’Ouest de Sergio Leone en 1968. Sur le thème de « Jill’s America » orchestré par Ennio Morricone, la comédienne suit l’avancée du chemin de fer et finit par personnifier l’innocence d’une nation en pleine expansion percutée par la violence des magnats de l’Industrie prêts à tout pour s’octroyer les bénéfices de la conquête des territoires indiens.
De portraits de femmes fortes, il en est également question dans Mayrig et 588, rue Paradis, le dyptique autobiographique dans lequel Henri Verneuil évoque l’Histoire de sa famille survivante de l’horreur du génocide arménien perpétré par les Turcs en 1915. Claudia Cardinale y joue la mère du réalisateur dans l’un des rôles les plus beaux et émouvants de sa carrière. Car l’actrice italienne qui a fait de la France sa nouvelle patrie n’hésite pas à assumer son âge. Bien loin de la midinette sexy des 60’s, elle est devenue une matriarche orientale, gardienne des traditions et d’une mémoire qui tend à disparaître. Elle retrouvera d’ailleurs un rôle assez similaire en mère d’un Jean Dujardin de retour sur ses terres algériennes dans Un balcon sur la mer de Nicole Garcia, autre autobiographie nostaligique d’un monde perdu.