Marco, l’énigme d’une vie

Après les drames de la Guerre d’Espagne dans Une vie secrète en 2019 et la mini-série Cristobal Balanciaga (biopic du célèbre couturier diffusée mondialement sur Disney +) en 2024, le binôme de cinéastes Aitor Arregi et Jon Garan se penche sur un retentissant fait divers qui ébranla l’opinion publique espagnole dans les années 2000. Adaptant le roman très documenté du journaliste Javier Cercas, paru en France en 2015 sous le titre  L’Imposteur, ils mettent en scène l’incroyable mensonge pathologique du « Président de l’association des déportés espagnols », travailleur volontaire en Allemagne qui s’inventa un passé de résistant et berna tous ses interlocuteurs durant plusieurs décennies. Les réalisateurs font ainsi se téléscoper la déportation des Républicains espagnols dans les camps nazis (en particulier, Mathausen et Flossenburg) avec l’héritage historique d’une Espagne qui ne cesse de faire le bilan du Franquisme. Au-delà du fait divers, le film interroge la transmission de la Mémoire et les problématiques humaines et psychologiques que cette transmission entraîne dans nos sociétés contemporaines. Alors que disparaissent les derniers témoins de la Shoah, que le récit historique acquiert une nouvelle dimension plus patrimoniale et que les discours politiques s’engluent dans les mensonges de la « post-vérité », ce récit d’affabulation dans la droite lignée d’Un héros très discret de Jacques Audiard (1996), nous rappelle à quel point la construction d’un discours historique « scientifique » est fragile.